« À nos partenaires du Nord, aux étudiants surtout, je dirai : N’ayez pas peur de venir en Afrique. Nous travaillons dur et obtenons des résultats, même avec de petits moyens. Nos universités forment des cadres pour nos pays et nous avons des enseignants compétents. » À l’évidence, pour l’auteure de ces propos, Hortense Atta Diallo, professeure d’agronomie, vice-présidente de l’université Nangui-Abrogoua d’Abidjan et chargée de la planification, de la programmation et des relations extérieures, les universités sur le continent ont encore une partition à jouer au-delà de l’enseignement et de la formation d’étudiants africains. Cela se justifie d’autant plus que la donne a changé sur le plan économique au niveau international, faisant de l’Afrique un continent d’avenir, certains disent « la nouvelle frontière ».
Renforcer la pertinence des formations
Si l’enjeu pour l’Afrique est de jeter de plus en plus de ponts avec des universités et des centres de recherche du Nord pour élever le standard de compétence de ses étudiants, pour les pays du Nord, et en la matière l’Europe joue sa carte, il s’agit de renforcer la pertinence de la formation des étudiants en y intégrant, au-delà des éléments techniques, des clés culturelles. L’idée est d’être le plus affûté possible face à des concurrents de plus en plus agressifs venus d’autres horizons, notamment de l’Asie et de l’Amérique du Nord. « L’acquisition de compétences par les jeunes Africains est une priorité pour nous », dit Deirdre Lennan, chargée du programme Erasmus+ pour l’Afrique à la Commission européenne. Ce programme offre des possibilités de mobilité et des périodes de formation à des étudiants africains en Europe, mais aussi à des doctorants et enseignants européens qui vont dans les universités africaines. Là, dans des domaines comme les maladies infectieuses ou l’ingénierie civile, du fait de la construction de nombreuses villes nouvelles « smart », l’Afrique peut leur apporter une belle expérience. Cette démarche fait écho à la volonté au plus haut niveau, entre l’Union africaine et l’Union européenne, de faire un grand travail d’identification des contenus, des modes d’enseignement aussi, pour élever le niveau de formation et mieux l’adapter aux besoins du continent africain en termes de profils d’emploi. Avec l’Erasmus africain sur lequel l’Union africaine et la Commission européenne travaillent, la mobilité entre universités africaines devrait être renforcée et pourrait permettre la délivrance de doubles diplômes purement africains.
La quête d’excellence
Comme le dit Amadou Diaw, président et fondateur de l’Institut supérieur de management (ISM) de Dakar, établissement pionnier et de référence en Afrique de l’Ouest, désormais dans l’escarcelle de Galileo-Providence, troisième groupe mondial en matière d’éducation, « il faut repenser les contenus et l’enseignant du futur ». Tirant les conséquences de la prise de conscience de l’Afrique sur la nécessité de créer de la valeur sur place, des groupes d’enseignement supérieur européens ont sauté le pas pour s’installer sur le continent. En plus d’écoles de commerce comme Kedge ou Neoma, qui ont établi des partenariats avec des structures installées en Afrique, d’autres établissements se sont carrément installés en Afrique. C’est le cas de Paris-Dauphine à Tunis et de l’Essec à Rabat. Pour Thierry Sibieude, directeur général du campus Essec Afrique de Rabat, la création de valeur sur les territoires africains se fera par la création d’entreprises. Son raisonnement : il y a 600 millions de personnes en âge de travailler aujourd’hui en Afrique, ce chiffre doublera dans les prochaines années. Or toutes ne pourront pas être fonctionnaires ou employées par de grands groupes.