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Lettre venant du futur : Par Ibrahima Ndiaye diplômé de l’UFR SI de l’université de Thiès

Changements climatiques

Nous sommes en 2095.
Je m’appelle ibou, j’ai seize ans même si mon apparence m’en donne le double.
Avant de mourir mon grand-père avait pour habitude de me rappeler ses souvenirs d’enfance. Aujourd’hui c’est à lui et à toutes les personnes de sa génération que j’écris cette lettre.
Grand père si vous étiez encore en vie c’est aujourd’hui que vous fêteriez vos cent ans en effet vous êtes né un certain 10 aout 1995 à fatick. A chaque fois que vous me parliez de cette région, s’en suivaient de longs moments d’évasion dans votre tendre enfance. Le delta du Saloum était un site paradisiaque me disiez-vous, une zone qui était particulièrement marquée par la présence de dix-neuf îles dont le charme résidait dans la présence de forêts, mangroves, palétuviers et lagunes. Les gens venaient de partout pour admirer le reposoir des oiseaux au crépuscule de Toubacouta, la sublime île aux coquillages ou encore le village de sipo avec sa légendaire reine Fatou mané. Hélas ! Je ne ressentirais jamais le bonheur, ni la satisfaction de fouler le sable de ces îles qui comme vous le décriviez grand père, n’était que la représentation du paradis sur terre.
La nostalgie qui imbibait le ton de votre voix et le sourire en coin que vous réserviez en me contant vos souvenirs m’ont fait comprendre que ma génération est la malheureuse héritière d’un pays environnementalement dégradé car plusieurs décennies auparavant, démarrait une hausse considérable de la température terrestre qui occasionnait par conséquent la fonte des glaciers et évidemment une hausse du niveau de la mer.
Conférences, sommets, colloques ont été constamment organisés par les institutions internationales simulant ainsi une fausse attention vis-à-vis de l’environnement. A chaque génération sa mission dit-on souvent, si nous sommes aujourd’hui une nation indépendante et souveraine c’est que vos ancêtres ont été bien conscients de leur mission, celle de libérer ce pays de la domination coloniale. Mais aujourd’hui, soit cent trente-cinq ans après, oserai-je en dire autant de vous, mes grands-parents ?
Grand père, c’est avec beaucoup d’amertumes que j’écris cette lettre constatant l’échec de votre génération en ce qui concerne le pari de la préservation de l’environnement. J’ai les larmes aux yeux à chaque fois que je regarde sur internet des vidéos montrant comment les hommes vivaient à votre époque, insouciant des conséquences que pourraient avoir ces actes dans le futur.
Au moment où les réserves d’eau douce du pays étaient toutes menacées, vous aviez préféré fermer les yeux et vous lancer dans un gâchis sans précédent. La conséquence, aujourd’hui, nous sommes obligés de recourir au dessalement des eaux marines qui est un procédé extrêmement coûteux et irrationnel pour pouvoir survivre et nous procurer une eau potable puisque la plupart des nappes sont asséchées.
Grand père, vous aviez aussi la fâcheuse habitude d’utiliser des matériels en plastique que vous jetiez insoucieusement par terre en oubliant que le plastique n’étant pas un matériau biodégradable, reste dans le sol pendant plusieurs décennies en y libérant des substances extrêmement toxiques. Ce qui a entrainé aujourd’hui la pollution des sols, la contamination des eaux souterraines et un ralentissement considérable de la croissance des plantes.
Au lieu de recourir aux énergies renouvelables avec des ressources potentiellement disponibles, vous aviez préféré la passiveté et l’égoïsme en promouvant l’usage des énergies fossiles occasionnant ainsi une hausse du rejet de CO2. Ce qui a eu comme lourde conséquence, la fragilisation de la couche d’ozone et l’augmentation de la température terrestre.
Grand-père la liste est loin d’être exhaustive mais permettez-moi de vous faire l’état des lieux de notre cher pays dont l’environnement est agonisant :
La façade maritime du pays a terriblement succombé face à l’érosion et la plus part des villes côtières dorment tranquillement au fond de l’océan atlantique comme des épaves sous-marines.
Il semblerait qu’il fut un temps où il y avait au Sénégal une saison pluvieuse soit trois mois de pluie intense. Aujourd’hui il est quasi impossible de compter trois pluies l’année et même s’il y’en a, leurs intensités restent relativement faibles.
Notre agriculture est à genoux, notre économie est morte et nos états ne mènent que des politiques de survie. Il est maintenant très rare de voir une personne atteindre la cinquantaine car il n’y a ni le cadre, ni les ressources pour vivre longtemps. Nous jeunes d’aujourd’hui avons la physionomie des vieux d’autrefois.
La plupart des fôrets et réserves sont phagocytées par la sècheresse et les espèces animales qui y vivaient sont tous en voie de disparition. Le désert gagne de plus en plus le nord du pays et y freine toutes activités agricoles. La verte Casamance d’autres fois est inéluctablement devenue jaune perdant ainsi toute sa splendeur. Et l’imposante cascade de Dindéfelo est réduite en un simple terrain géologique très sec auquel nous avons arraché toute son âme.
À l’image du Sénégal, le monde entier est entrain de subir les conséquences du changement climatique, de mourir à petit feu et pire même d’agoniser. J’ai choisi de contextualiser par rapport à notre pays pour que vous puissiez constater l’ampleur de vos dégâts. Pour que vous puissiez voir à quel point les actes que vous qualifiez autrefois de banals pouvaient être périlleux pour nous.
Grand père vous aviez la chance d’appartenir à la génération qui pouvez faire la différence mais vous avez porté votre choix sur l’inaction, le laxisme et le laisser aller. Votre culpabilité n’est donc plus à démontrer.
J’ai écrit cette lettre en pleurs, désespéré et dévasté car je vis tout en sachant que mon heure approche, que je ne vivrai pas aussi longtemps que vous. Je survis tout en espérant pouvoir trouver une solution ou même une machine à remonter le temps afin que cette lettre puisse vous parvenir et que vous puissiez voir comment vos actes d’hier déteignent sur nous, peut-être que là vous vous réveillerez enfin de votre profonde léthargie et vous bougerez pour limiter les dégâts. Ce serait une occasion sur laquelle je l’espère vous sauterez pour gagner le pari de la préservation de l’environnement. Et qu’en définitive, ma génération n’ait plus à écrire une autre lettre venant du futur.

Par Ibrahima NDIAYE ingénieur de conception en génie civil diplômé de l’UFR Sciences de l’Ingénieur de l’Université de Thiès

Written by Moustapha

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