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Seuls une dizaine de pays africains ont pris la mesure du potentiel du numérique dans le développement agricole

développement agricole/Selon une étude du cabinet BearingPoint, l’utilisation d’applications mobiles, notamment, pourrait apporter davantage d’efficacité à l’agriculture africaine. D’ici à 2050, la population africaine sera passée de 1,2 à plus de 2,5 milliards d’habitants. L’enjeu majeur sera de nourrir deux fois plus d’Africains, alors que l’agriculture sur le continent est cinq à six fois moins productive que la moyenne mondiale. Aujourd’hui encore, l’insécurité alimentaire sévit dans de nombreux pays. Mais les solutions apportées par les nouvelles technologies pourraient changer la donne, selon une étude du cabinet Bearing Point intitulée « Le nouvel or vert de l’Afrique ». A l’heure actuelle, la plus grande partie de la nourriture consommée en Afrique provient de 250 millions de petites exploitations familiales disposant de faibles moyens. La filière agricole est tellement peu organisée que 40 à 70 % des récoltes sont jetées, faute de lisibilité de l’offre et de la demande : par exemple, les meuniers n’achètent qu’une partie des productions car ils doutent pouvoir vendre à l’échelon suivant. La plupart des pays africains sont donc contraints d’importer du riz, du maïs ou du blé pour combler ce manque. Ainsi, en Côte d’Ivoire, bien que les riziculteurs produisent l’équivalent de ce que la population consomme, 50 % du riz consommé est importé d’Asie. BearingPoint Une aberration qui pourrait être résolue par la mise en place d’une plateforme numérique, plaide Jean-Michel Huet, associé chargé du développement international et de l’Afrique chez BearingPoint. En réunissant tous les acteurs du secteur, celle-ci, conçue par exemple sous la forme d’une application mobile, encouragerait la circulation de l’information, rassurerait les acheteurs sur les possibilités d’écoulement et permettrait au monde paysan de vendre l’intégralité de sa production. Des revenus multipliés par deux A la clé, les agriculteurs pourraient multiplier par deux leurs rentrées d’argent. En Afrique, ceux-ci gagnent en moyenne entre 800 et 950 euros par an. « Ce doublement permettrait à cette catégorie de la population de passer du groupe des 60 % d’Africains les plus pauvres au début de la classe moyenne », souligne l’associé du cabinet européen. Cette augmentation des revenus autoriserait du même coup l’exploitant à acheter des services supplémentaires qui viendraient accroître sa productivité. La plateforme permettrait également de proposer des biens et des services aux agriculteurs, des produits bancaires aux assurances en passant les intrants agricoles. « Grâce à la plateforme, un assureur a accès à M. Untel, propriétaire de X hectares de riz, et à ses coordonnées. Il lui fait une offre, que M. Untel peut payer par paiement mobile, et il fait sa prospection comme ça », illustre Jean-Michel Huet. BearingPoint Déjà, des modèles sectoriels d’intégration numérique commencent à se mettre en place de façon ponctuelle. Ainsi, au Nigeria, l’ONG Convention on Business Integrity s’est associée avec une banque, en octobre 2018, pour lancer une plateforme numérique à destination des producteurs de maïs. Grâce à l’application mobile SAP Rural Sourcing Management, les acteurs de la filière échangent des informations, de l’agriculteur jusqu’au transformateur. Pour l’instant, 50 000 agriculteurs sont impliqués. « Résultat : ils vendent 100 % de leur production depuis novembre », affirme Jean-Michel Huet. Les plateformes numériques ne sont pas le seul modèle pertinent. Ainsi, le Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) a lancé en 2009 un Service d’information des sols africains (AfSIS) dont l’objectif est de dresser une cartographie numérique à l’échelle du continent. Par la combinaison de l’imagerie satellite et de la spectroscopie infrarouge, auxquelles s’est depuis ajouté le drone agricole, l’AfSIS appuie les politiques gouvernementales et aide les ONG à promouvoir les types d’agriculture les plus adaptés aux territoires. Plusieurs obstacles se dressent Mais si quelques pistes s’esquissent, l’alliance entre l’agriculture et le numérique est encore à inventer. « On parle de grosses transformations, cela ne sera pas facile », concède Jean-Michel Huet. Plusieurs obstacles se dressent, comme l’accès à Internet, qui demeure faible en Afrique, ou le taux élevé d’analphabétisme. Malgré ces freins, « de plus en plus d’entreprises privées commencent à investir grâce au bouche-à-oreille », rapporte l’analyste. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une « révolution verte » en Afrique grâce à la blockchain ? BearingPoint a simulé l’impact des plateformes numériques sur l’ensemble de l’économie africaine d’ici à 2050, selon quatre scénarios. Dans le plus pessimiste, l’effet est marginal : le temps de développement de l’innovation est long, au point que seuls 5 % des petits agriculteurs finissent par l’adopter. Selon le scénario le plus optimiste, peu d’acteurs s’engagent au départ, mais le modèle trouve son rythme en 2030 grâce au bouche-à-oreille, pour finir par toucher 80 % d’agriculteurs en 2050. BearingPoint Le cabinet de conseil estime alors à 350 millions le nombre de petits agriculteurs familiaux qui bénéficieraient d’un revenu de 2 200 euros par an, et à 630 milliards d’euros la contribution de l’agriculture au PIB africain. « Grosso modo, c’est deux fois les revenus du pétrole à euro constant », indique Jean-Michel Huet. L’agriculture Afrique 2050/formation en pilotage de drone

Depuis 2012, l’adoption des solutions numériques dans le secteur de l’agriculture s’est accélérée. Grâce aux TIC, petits et grands exploitants agricoles ont amélioré leur productivité, rentabilité et résilience au changement climatique. Cependant, l’adoption de l’agriculture numérique en Afrique n’a pas encore atteint le seuil qui lui permettrait de révéler son véritable potentiel. Celui de nourrir une population croissante et de générer des richesses conséquentes pour le développement du continent.

Dans son rapport sur la numérisation de l’agriculture africaine 2018–2019, le Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA), institution conjointe du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), née des accords de Cotonou du 23 juin 2000 et financée par l’Union Européenne, révèle que l’adoption de l’agriculture numérique progresse en Afrique. Alors qu’il n’existait que 41 solutions numériques agricoles en 2012, le nombre est passé à 390 en 2019. 60% de ces solutions ont été mises en service au cours des trois dernières années alors que près de 20 % d’entre elles l’ont été depuis 2018.

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D’ici 2030, 200 millions d’agriculteurs africains devraient utiliser des solutions numériques.

 

Ces solutions réparties en cinq grandes catégories: services de conseil, informations de marché, accès aux services financiers, gestion de la chaîne d’approvisionnement et macro intelligence agricole, ont déjà séduits 33 millions de petits agriculteurs et pasteurs et contribué à une augmentation de leur productivité et de leurs revenus.

Ces solutions réparties en cinq grandes catégories: services de conseil, informations de marché, accès aux services financiers, gestion de la chaîne d’approvisionnement et macro intelligence agricole, ont déjà séduits 33 millions de petits agriculteurs et pasteurs.

D’ici 2030, le rapport estime que le nombre d’agriculteurs séduits par les solutions numériques agricoles pourrait même atteindre les 200 millions pour un rendement agricole et financier encore plus important à l’échelle continentale. Mais pour Michael Hailu, le directeur du CTA, bien que ces données positives démontrent l’intérêt grandissant de l’Afrique pour l’agriculture numérique, elles sont cependant loin de refléter le vrai potentiel de l’agriculture numérique en Afrique du fait d’absence d’investissements appropriés, aussi bien des gouvernements que du secteur privé.

 

Numériser davantage

Le rapport indique que le secteur privé se montre encore prudent pour ce qui est de l’investissement dans le développement de l’agriculture 2.0 en Afrique. Encore subjugué par le segment des services financiers, du e-commerce, de la formation, il n’y a investi que 47 millions d’euros en 2018. Soit entre 3 % et 6 % de l’investissement total du secteur privé dans les start-ups africaines de nouvelles technologies. Les  bailleurs de fonds internationaux, eux, ont investi 173 millions de dollars US alors que les gouvernements tâtonnent.

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Les investissements dans l’agriculture 2.0 sont encore marginaux.

 

Malgré ces sommes jugées « modiques », certains pays semblent bien décidés à faire des TIC un pilier de leur transformation économique. C’est le cas du Kenya, du Nigeria, du Ghana, de l’Ouganda, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Rwanda ou encore de la Tanzanie qui représentent le top 10 des pays les plus impliqués dans l’agriculture numérique.

Certains pays semblent bien décidés à faire des TIC un pilier de leur transformation économique. C’est le cas du Kenya, du Nigeria, du Ghana, de l’Ouganda, de l’Afrique du Sud, du Sénégal, du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Rwanda ou encore de la Tanzanie

Tous, comme chacune des 54 nations que compte le continent, ont fait du développement de l’agriculture une priorité pour relever les défis de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, du changement climatique et de la croissance socioéconomique. Cependant, la majorité s’est focalisée sur la mécanisation alors que la numérisation reste encore une option. Une erreur stratégique selon le rapport qui estime que l’Afrique devrait s’empresser d’implémenter toutes les solutions à sa portée si elle ne veut pas continuer à subir les crises alimentaires dans les prochaines années.

 

La faim guette

D’après les Nations Unies, la population du continent africain s’accroît rapidement. Estimée à 140 millions en 1900, elle atteignait déjà un milliard d’habitants en 2010 et devrait atteindre les 2,5 milliards en 2050. Alors que cette masse d’individus continue de grimper de manière vertigineuse, les ressources alimentaires indispensables à sa survie ne suivent pas le même rythme.

La proportion des personnes sous-alimentées sur le continent, qui était de 175,7 millions entre 1990 et 1992, a grimpé à 256,1 millions entre 2016 et 2018.

L’Afrique devra en effet doubler, voire même tripler, ses niveaux actuels de productivité agricole pour répondre à la demande alimentaire.

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« Tout le monde sera gagnant ».

 

Selon la FAO, dans son rapport 2019 sur « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde », la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave en Afrique n’a pas cessé de croître. De 47,6% en 2014, elle est passée à 52,5% en 2018. La proportion des personnes sous-alimentées sur le continent, qui était de 175,7 millions entre 1990 et 1992, a grimpé à 256,1 millions entre 2016 et 2018. Pour Michael Hailu affirme, « si nous tirons les enseignements, travaillons bien, gérons les risques et veillons au contrôle des données, à l’inclusivité, à la durabilité, tout le monde sera gagnant ».

 

 

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