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L’éducation au Niger : « Une course contre la montre »

éducation au Niger

Pour aider l’Etat nigérien à gérer l’explosion démographique, l’Agence française de développement soutient de nouveaux projets éducatifs. Exemple à Niamey avec les classes passerelles.

« Les enfants éduqués améliorent notre vie quotidienne et apportent de l’épanouissement au quartier. Qui sait, peut-être que le futur président du Niger fait partie de notre communauté ? » Alfarid Habou Koye est confiant, les classes passerelles sont une réelle chance pour qu’un jour un des enfants de la communauté devienne « quelqu’un d’important ». Avec ses « 80 ans plus un peu », le chef du quartier de Danzama Kouara, dans la banlieue de Niamey, est venu introduire la réunion de suivi de ces classes de la seconde chance, mises en place par l’ONG Aide et action, il y a un an.

L’ONG française, créée en 1981, très active dans la région sahélienne, a imaginé voilà deux ans ce projet pilote pour réintégrer les élèves sortis du système éducatif formel. Le programme propose aux enfants de 9 à 14 ans des enseignements de base ou une formation professionnelle. Pour le financer, l’ONG a fait appel à l’Agence française de développement (AFD) – banque de l’aide au développement française –, qui s’est engagée sur trois ans à hauteur de 1 million d’euros, soit l’intégralité du coût du programme. « Cette initiative est réellement innovante et pourrait, à terme, inspirer les réformes éducatives actuellement mises en place par le gouvernement nigérien », assure Julie Maline, chargée de mission éducative au bureau de l’AFD de Niamey.

Malgré des premiers résultats encourageants, des difficultés persistent. « Le problème, au Niger, c’est que l’on parle d’école au village et pas d’école du village. Pour que les parents envoient leurs enfants en classe, il faut les convaincre, et la confiance est difficile à gagner », explique Hamza Djibo, membre d’Aide et action. « Certains parents ont du mal avec l’école du “Blanc”, ils craignent que leurs enfants s’éloignent des traditions ou ne trouvent pas de travail par la suite. Ils préfèrent l’école coranique », poursuit sa collègue Katoumi Sirfi.

Parfois, les grossesses sont constatées dans les écoles, et l’élève est exclue. D’autres fois, on découvre que les maîtres sont les géniteurs

Et pour les filles, c’est encore plus dur. Dans une salle, le tableau noir usé par les années affiche : « Les filles balaient la classe ». Le regard fuyant et la main devant la bouche, Cherifa, 14 ans, explique suivre les cours d’une classe passerelle depuis bientôt sept mois. Elle a appris l’existence du programme grâce aux crieurs publics et a réussi à convaincre ses parents de la réinscrire à l’école, qu’elle avait quittée. Drapée d’un voile bleu saphir, l’adolescente ne parvient pas à cacher la lueur qui anime ses yeux lorsqu’elle parle de ses études et de son avenir. Cherifa se rêve docteure. En attendant, elle suit tous les jours une formation de couturière ; c’est déjà elle qui confectionne ses vêtements, confie-t-elle fièrement. Mais les espoirs de la jeune fille suffiront-ils à faire mentir les statistiques ?

Au Niger, trois femmes sur quatre sont mariées avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans. « Parfois, les grossesses sont constatées dans les écoles, et l’élève est exclue. D’autres fois, on découvre que les maîtres sont les géniteurs… », déplore un des membres d’Aide et action.

2 millions d’enfants se trouvent en dehors du système scolaire

Tcha Berei, le directeur de l’ONG au Niger, le rappelle : « En termes d’éducation, les besoins sont énormes, partout dans le pays, mais encore plus dans les grands centres urbains. » Les chiffres confirment son diagnostic : les classes passerelles, qui devaient réintégrer dans le système scolaire 4 000 enfants sur deux ans, de Niamey à Tillabéri, ont déjà atteint leur objectif dès la première année. A chaque rentrée, un demi-million d’enfants supplémentaires arrivent sur les bancs de l’école. « La projection démographique est sur toutes les lèvres, confirme Tcha Berei. Ce qui se joue, c’est une véritable course contre la montre. »

Avec le taux de fécondité le plus élevé au monde (7,6 enfants par femme), le Niger déconcerte les analystes de la région, qui n’ont pas cessé de tirer la sonnette d’alarme depuis une dizaine d’années. Une personne sur deux est âgée de moins de 15 ans, et déjà 2 millions d’enfants se trouvent en dehors du système scolaire. Parmi ceux qui y restent, seuls 10 % atteignent le bac. « Une poudrière pour le pays », soutient Tcha Berei, qui s’inquiète de la situation sécuritaire.

L’éducation est le troisième budget du pays, après la défense et l’agriculture

Le Niger semblait avoir avancé à pas de géant en faisant passer son taux de scolarisation brut de 35 % à 76 % entre 2001 et 2016. Mais, en 2014, c’est la douche froide. Une enquête révèle que 90 % des élèves de CP n’ont pas le niveau de lecture nécessaire. Quelques années plus tard, une nouvelle évaluation nationale, cette fois du corps professoral, confirme l’inquiétude. Testés sur la base du programme de CM1, seuls 33 % des enseignants parviennent à décrocher la moyenne. En cause, la forte part représentée par les enseignants contractuels, 70 % des 70 000 postes dans le pays.

L’éducation est le troisième budget du pays, après la défense et l’agriculture, mais l’étroitesse des recettes fiscales rend impossible une prise en charge suffisante. Sur une des artères centrales de Niamey, une bannière accrochée à un château d’eau proclame : « Payons tous nos impôts ! » Presque l’intégralité des dépenses du ministère de l’Education est consacrée aux salaires des professeurs, souvent en grève pour protester contre les retards de paiement.

Si les bailleurs ne mettent pas en commun leurs programmes d’aide au développement, le risque est de ne pas avoir une réponse adaptée

Les classes passerelles d’Aide et action font partie des 570 projets, pour 7 milliards d’euros engagés, de l’Alliance Sahel, initiée par le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel pour faire face à l’état d’urgence et appuyer les efforts des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Tchad et Niger). Dans ce dernier pays, un fonds commun a été mis en place courant 2017 par l’AFD, l’Unicef, le Luxembourg, la Suisse et la Norvège. Il prévoit un engagement de 40 millions d’euros en soutien aux 70 000 écoles du pays.

« Une priorité, rappelle Jean- Christophe Maurin, directeur de l’AFD à Niamey. Avec la violence terroriste et le boom démographique, il y a urgence. Mais, pour l’instant, les administrations et leurs compétences sont trop faibles. La seule solution est donc de placer la gouvernance au centre. Si les bailleurs ne mettent pas en commun leurs programmes d’aide au développement, le risque est de ne pas avoir une réponse adaptée. L’Alliance Sahel change les manières de faire en apportant cette coordination fondamentale. »

parismatch.com

Written by Abdourahmane

Je suis Diplômé en Aménagement et Gestion Urbaine en Afrique, Spécialiste en économie urbaine en même tant Reporter et Éditeur au Journal Universitaire. Je suis également un passionné des TIC.

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