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Article 23 du Concours : L’UCAD à l’heure de la sélection naturelle !

Conférences de personnes-ressources invitées

Le Journal Universitaire vous présente le 23e article reçu dans le cadre du concours de rédaction d’articles lancé par le Groupe PRÉCISION. L’intitulé de cette contribution est « L’UCAD à l’heure de la sélection naturelle! ». L’auteur s’appelle Madina KOTE.

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L’UCAD à l’heure de la sélection naturelle !

Convaincu, il y a plus d’une décennie, que le taux d’accès à l’enseignement supérieur ne dépassait pas les 7%, les différents gouvernements sénégalais à l’instar des autres gouvernements africains, renforcent l’accès au primaire, moyen et secondaire. Le slogan « je veux aller et rester à l’école » a bien marché et permet l’arrivée de plus en plus de nouveaux bacheliers dans les différentes universités et plus particulièrement à l’UCAD, une université vétuste qui a largement dépassé sa capacité d’accueil et dont la bonne réputation en qualité d’enseignement est menacée. De là, les autorités sénégalaises voient la nécessité de retour à la normale qui doit passer par une réduction conséquente du nombre pléthorique d’étudiants, la mise en place d’un certain nombre de réformes, qui viennent s’ajouter aux difficiles conditions déjà existantes et défavorables à l’épanouissement intellectuel des étudiants. C’est pour désigner la complexité de cette situation qu’on a utilisé le terme « sélection naturelle » qui, selon Darwin que je suis loin de soutenir, les variations naturelles tendent à préserver les individus les plus aptes en éliminant les moins aptes : Voilà l’image que donne l’UCAD.

Quelles sont conditions qui permettent à l’UCAD de sélectionner ?

  • Le système L.M.D

Le système L.M.D (Licence-Master-Doctorat) sélectionne aussi bien les universités que les étudiants. Loin d’être un mauvais système, le L.M.D peut répondre aux exigences de l’enseignement moderne mais il est lourd d’exigences sur le plan structurel, d’infrastructures, de mobilisation des ressources humaines, d’enseignants pour la recherche et de personnel d’accompagnement. Tout université qui ne répond fortement pas à ces besoins, reste engloutie par le système et ne peut se séparer des crises. De la même manière, les étudiants qui ne savent pas organiser leur temps personnel qui est immense, s’habituer aux recherches personnelles et développer un esprit critique, se noient plus facilement.

  • La sélection Master

« Le master pour tous n’existe nulle part » avait soutenu, il y a quelques années, le Ministre de l’enseignement supérieur, le Professeur Marie Teuw Niane. C’est clair, à l’UCAD, il ne suffit pas d’être titulaire d’une licence pour accéder au deuxième cycle, mais il faut aussi répondre aux critères de sélection prédéfinis. A l’origine de ce choix on peut citer le recul de l’UCAD dans le classement Shanghai, la baisse du niveau d’étude. En plus d’aucuns soutiennent que les étudiants coûtent très chers à notre budget national ; avec un nombre assez supérieur à la capacité d’absorption du marché national, des formations et disciplines peu utiles au développement et une baisse flagrante du niveau d’étude, il faut sélectionner les meilleurs. Cependant, il urge de définir les mesures d’accompagnement de ces jeunes qui seront zappés à la suite de la sélection ; car s’ils restent jetés à la rue, sans emploi, ni formation, ils consommeront encore plus ce budget que l’ont pense protéger. Pour solutionner, il faut ouvrir les portes de formations professionnelles aux jeunes. C’est pourquoi, il faut saluer l’initiative du Fond de financement de la formation professionnelle et technique (3 FPT) qui peut jouer un rôle très important dans l’encadrement et l’épanouissement des jeunes. Cependant, il leur faudra plus d’efficacité dans le traitement des dossiers en réduisant les délais d’attente ce qui permettrait aux bénéficiaires de débuter à temps la formation dans les écoles et instituts de leur choix.  Si d’autres font de même que ce dernier qui octroie des prises en charge de formations professionnelles à hauteur de 90% aux jeunes, tout comme des telles que Open international et Comité d’Orientation Educative (COE), qui donnent la possibilité de formations professionnelles aux jeunes en leur octroyant des bourses entières ou des demi-bourses, on peut penser que ces jeunes, à la sortie  de leur formation, pourront, même s’il ne sont pas intégrés par les entreprises, créer leurs propres affaires.

  • La surpopulation

Conçu pour abriter 6 000 étudiants, l’UCAD compte aujourd’hui environ 80 000 étudiants, et accueille chaque année des centaines de nouveaux bacheliers. En plus, les échecs répétés de certains étudiants contribuent à l’aggravation de la surpopulation. C’est ce qui amène M. Elimane Fall à décrire radicalement, il y a quelques années, la situation en disant : « L’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar ressemble de nos jours à une véritable garderie d’adultes onéreuse, inefficace et inefficiente à la place d’un véritable cadre d’élaboration des bases théoriques et de conceptions pratiques des outils permettant de construire une société développée ». Il ajoute en déplorant : « le tableau que présente ce Sénégal en miniature qu’est l’UCAD est plus que désolant ». Même s’il a un tout petit peu exagéré, cette description qui nous avait choqué à l’époque, était proche de la réalité. Les conséquences de cette situation sont bien connues : la promiscuité, le surpeuplement des chambres et des amphis, le manque d’hygiène, la pollution sonore et autres. Tout ceci favorise l’installation de la violence.

  • La violence

Même si on constate dans cette famille qui est l’UCAD, l’entre-aide, la fraternité, le respect et l’attente positive, on ne peut ignorer l’existence de la violence. Elle se manifeste par des agressions verbales et même physiques. Pire encore, certains pseudo-groupes ne ressentent aucun gène d’interrompre des cérémonies des autorités universitaires en les agressant verbalement. Cette année même, nous avons été témoin, stupéfait et surpris. Les mots manquent même pour qualifier le comportement de ces soi-disant membres des Amicales. De tels comportements envers les autorités universitaires, les professeurs et autres sont à bannir. Quelle que soit leur position, ces derniers ne peuvent être nos ennemis ; ils font leur mieux dans des conditions précaires. Même si leur œuvre reste imparfaite, on constate quand même chaque jour des améliorations. Il convient alors de mettre en avant le dialogue.

  • Les files d’attente

Ils consomment énormément de temps aux étudiants. De ce fait, il faut savoir organiser son temps en classant les besoins par priorité pour s’en sortir. Des restos pour manger aux facultés pour les inscriptions pédagogiques, en passant par les banques, lieux de versements des frais d’inscription, de paiements des bourses et de retrait de cartes GAB, l’étudiant peut perdre un temps qu’il serait impossible d’estimer.

  • Les retards de paiement des bourses d’étude

Un autre point qui peut impacter sur la concentration des étudiants et à la limite sur leur performance, est le retard des paiements des bourses d’étude. En effet, les bourses tardent à venir ; au lieu de devenir un soutien financier à certains étudiants au moment où « l’année bat son plein », elles viennent augmenter l’argent de poche des étudiants pour passer de belles vacances. C’est pour cette raison que parfois les étudiants les surnomment « bourses de vacances ». Pour preuve, l’année dernière, voilà ce que j’ai découvert à propos d’un étudiant en licence 1 de la faculté de médecine et qui avait décroché le bac avec une mention bien. En le voyant chaque jour après avoir révisé, déposer ses cahiers pour sortir en courant et revenir environ une heure et demi après, je l’interroge et il m’avoue qu’il n’a pas commencé à percevoir sa bourse (la faculté de médecine avait débuté le second semestre) et n’ayant pas de quoi se payer les tickets, il profite pour faire du sport et partir se restaurer chez un de ses proches. Sa situation était difficile. La bonne nouvelle est qu’il a pu valider l’année.

  • La quantité et la qualité de la restauration

Il faut le reconnaître, les étudiants n’ont presque jamais mentionné dans leurs doléances la quantité de la restauration, mais elle en fait bel et bien partie. Ils préfèrent murmurer entre eux en accusant parfois à tord les serveuses. Il n’est pas rare de rencontrer un étudiant sorti d’un resto en disant : « je ne suis pas rassasié ». Imaginez un étudiant à qui on a offert un ticket de repas et qui n’a pas mangé à sa faim ! Peut-il acheter de quoi manger ? Parfois, c’est dans ces conditions que certains préparent leur examen surtout pendant les sessions de rattrapage surnommées « période de pénurie de tickets » par les étudiants. En ce qui concerne la qualité des menus, au-delà des cas de constipation fréquents, les étudiants sont nombreux à développer des allergies à certains menus des restos. Ces derniers sont sommés de se retourner vers les boutiques et restaurants privés qui leur coûtent très chers. Même si l’étudiant est boursier, il lui sera difficile de se restaurer continuellement dans ces places privées. Et d’autres peuvent passer des nuits à ventre vide. Mais cela ne doit point amener les futures dirigeants à casser les vitres des restos ou à faire quelque chose de semblable, car cuisiner pour des milliers de personnes n’est pas chose aisée. Les étudiants doivent endurer et patienter que les autorités continuent les efforts qui sont en cours pour améliorer la qualité de la restauration.

Voilà quelques conditions qui, même s’il est impossible d’affirmer qu’elles sont à l’origine des échecs de plusieurs étudiants, semblent impacter négativement la performance de ces derniers. De là, restent à l’UCAD, ceux qui s’adaptent, persévèrent en se donnant au fond. Par contre, ceux-là qui ne s’adaptent pas très vite aux conditions, se voient, même s’ils ont le niveau, affectés négativement par les aléas qui les poussent dos au mur et ratent les étapes leur permettant de survivre dans le temple du savoir. Ces derniers n’ont pas raté la vie mais une étape. Ils ne doivent ni perturber l’année, ni déstabiliser l’entourage du campus social. Ils doivent plutôt accepter, endurer en explorant d’autres pistes car la terre est vaste et les opportunités de réussite nombreuses. Dieu dit : «…dispersez-vous sur la terre, et recherchez [quelque effet] de la grâce d’Allah…» Coran, S62, V10. Mais cette recherche de la grâce ne doit pas aller au-delà du licite, elle doit s’inscrire dans le civisme, le patriotisme, et la cohésion nationale, qui font partie des valeurs fondamentales qui nous permettront de bâtir un Sénégal émergent.

Article 22 du Concours : « Conditions d’étude et niveau des étudiants »

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