L’Afrique de l’Ouest scrute toujours l’horizon pour savoir quand elle aura une monnaie commune. Lors d’une conférence virtuelle organisée le 5 novembre, le REAO, le Réseau des entreprises en Afrique de l’Ouest, trois experts et banquiers sont revenus sur le processus en cours du changement du franc CFA pour devenir l’éco.
En décembre 2019, les présidents ivoirien et français annoncent à Abidjan la décision de créer l’éco pour remplacer le franc CFA, commun à seulement 8 des 15 pays membres de la Cédéao. « La déclaration au nom de l’UEMOA du président Ouattara en décembre 2019 introduit deux changements importants : le changement de nom du franc CFA qui s’appellera éco et puis l’arrêt du compte d’opérations. Avec en revanche immédiatement l’annonce de la continuité du caractère inchangé de trois éléments essentiels : la parité qui restera fixe et qui restera la même, la convertibilité qui sera toujours illimitée et la garantie de la France, qui continuera à être donnée sur ces trois points », explique Paul Derreumaux, économiste et président d’honneur de la Bank of Africa.
Mais le calendrier prévoyant le début de la circulation de cette nouvelle monnaie reste à définir. Ce qui inquiète l’ancien Premier ministre béninois Lionel Zinsou, c’est une petite musique de ceux qui veulent créer plusieurs monnaies nationales. « Le franc CFA c’est la monnaie commune aujourd’hui de 8 pays. La France est en train d’essayer de montrer qu’elle s’éloigne, les chefs d’État y tiennent beaucoup, les opinions publiques aussi, mais avant d’être une monnaie “partagée” avec la France, c’est une monnaie commune à 8 pays, et ça c’est très important », déclare Lionel Zinsou.
Puis l’ancien Premier ministre ajoute : « Ce qui est important c’est de dire qu’il y a une solidarité des réserves de changes. Il y a des pays qui ont une balance des paiements plus dégradée à un moment qu’à un autre et qui peuvent avoir le bénéfice des réserves de changes des autres pays. Structurellement, un pays comme la Côte d’Ivoire a une balance des marchandises très excédentaire ; beaucoup de pays de la zone en auront profité, grâce à cet acte de solidarité dans la gestion de nos réserves de changes pour garantir la convertibilité de notre monnaie. »
« Cibler un certain nombre de pays qui présentent un vrai intérêt »
Les experts aimeraient avoir un calendrier qui n’existe pas aujourd’hui, mais « pas pour une réformette du franc CFA », estiment certains d’entre eux. L’attente d’une monnaie unique risque d’être longue. L’ancien banquier malien, Mabousso Thiam, propose dans un premier temps la création d’une devise commune à 14 des 15 pays de la Cédéao, donc sans le Nigeria.
« Je ne crois pas en une monnaie éco avec le Nigeria. Ce à quoi je crois, c’est qu’il faut cibler un certain nombre de pays qui présentent un vrai intérêt, à commencer par le Ghana, la Sierra Leone, le Libéria, déjà pour tordre le cou à cette histoire d’anglophones et de francophones ; il faut penser à la Guinée, bien entendu à la Gambie et c’est autour de ces pays-là qu’il faut construire une monnaie commune. Je pense qu’à un moment donné il vaut mieux que nous nous organisions entre nous, qu’on laisse le Nigeria s’organiser et lorsque demain ces 2 zones en termes de convergence seront plus ou moins fongibles, on les mettra ensemble », dit-il.
Pour les différents experts, les ressources humaines nécessaires pour gérer une monnaie unique aux 15 pays de la Cédéao existent aujourd’hui, il ne manquerait que la volonté politique pour que les quelque 380 000 habitants de la région aient une monnaie commune.
rfi.fr