Le Président de la République a pris d’importantes mesures lors de la rencontre avec les représentants d’étudiants partis débattre sur les maux des universités suite au décès de Mouhamadou Fallou Sène. Ce pensionnaire de l’université de Saint-Louis qui a succombé à une blessure par balle lors d’affrontement entre forces de l’ordre et étudiants, réclamant le paiement de leurs bourses. Les mesures prises par le Président sont salutaires et contribueront à améliorer les conditions de vie sociale dans nos universités. Toutefois, il convient de signaler que ces résolutions sont plus de la poudre aux yeux qu’une solution aux maux des universités.
D’abord, il est regrettable que la négociation ne puisse pas porter sur le fond des enseignements dispensés, qui sont inadaptés à la réalité professionnelle. Combien d’étudiants utilisent leur bourse ou un quelconque revenu pour payer des cours dans les privés? Pourtant, la nomenclature de certaines formations devrait avoir des contenus les permettant de répondre à leurs aspirations. Même si chaque année de nombreux étudiants arrivent dans nos universités, nombreux en sortent pour se perdre dans un océan de chômage. Or, l’ambition après le baccalauréat est tout simplement d’intégrer l’université afin d’en sortir épanoui et trouver un emploi digne et porteur d’avenir. Malheureusement, à la lecture de cette résolution il semble que nous sommes condamnés à être d’éternels étudiants.
Ensuite, la question de la recherche n’est nullement prise en compte dans cette résolution, pourtant des pays financent la recherche pour contribuer au développement. Pendant ce temps, nos doctorants sont réduits à des marchands pour subvenir à leurs besoins, d’autres plus fun sont devenus des griots auprès d’hommes politiques qui parfois, les utilisent comme de simples outils de troubles sociales. Les chercheurs sont négligés et on ne cesse de s’amuser à dire que « des chercheurs on en trouve mais des chercheurs qui trouvent on en trouve pas ». Comment avoir des chercheurs qui trouvent si notre pays préfère injecter des millions dans les soirées dansantes ou dans des combats de lutte, etc. C’est pourquoi de bon lutteurs et chanteurs on en trouve à suffisance.
Enfin, nos professeurs sont débordés. Ils sont obligés de suivre les travaux de dizaines d’étudiants. Comment nos universités peuvent être performantes dans ces conditions ? En aucun cas, je peux me tromper, le Président n’a parlé de recrutement d’enseignants pour faire face au taux d’échecs importants et aux départs imminents des professeurs pour la retraite. Malgré ces difficultés, les universités continuent tant bien que mal de produire des docteurs dans divers domaines. Sérieusement, il n’y a pas une meilleure occasion pour négocier un plan de recrutement d’enseignants qu’une rencontre avec le Président qui cherche à tout donner à sauver la peau de ses ministres. Si nous aurons respectivement le petit déjeuner et les repas à 50 et 100f pour échouer au bout de deux ans, en quoi cela vaut la peine ? Il faut noter que sur les milliers d’étudiants qui arrivent à peine les 10% ne dépassent le premier palier. Et cela ne semble inquiéter personne. On peut comprendre alors cette signification ironique du système LMD que les étudiants sénégalais aiment scander. Ils parlent de LMD comme « lekk mougn dem » signifiant « manger, se réjouir, partir ». Mais partir comment ? Partir sans atteindre les résultats escomptés et ce qui est dommage.
Bon sang ! Nos étudiants ont bien applaudi et souri au Président après un dessert surement succulent. De ce fait tout ce qu’ils ont retenus, désolé, tout ce que nous avons retenu c’est que le prix des tickets de resto vont baisser et qu’on aura une légère augmentation de la bourse. Une augmentation d’une fourchette de 2000 à 5000 f. Quelle négociation de nos preneurs d’otage, ils nous ont poussé à cesser les cours, à affronter la police, à détruire le bien public et privé et à participer à une marche nationale mais ils n’ont pas prévu un plan de sorti. Quelle négociation ! Une négociation qui me donne envie de dire « Tout ça pour ça ! ».
Mounirou Diallo
Doctorant, Département de Géographie
Université Cheikh Anta Diop de Dakar